dimanche 8 avril 2018

Le secret de Grayson d'Ami Polonsky

Il semblerait que je sois en pleine phase de lecture LGBTQIA+ ! Tant mieux, j'apprends plein de choses. Après le brillant D'un trait de fusain, sur le thème de l'homosexualité et du SIDA dans un milieu lycéen, abordons aujourd'hui l'identité de genre et son questionnement chez une jeune collégienne avec Le secret de Grayson d'Ami Polonsky.


Année de parution : 2016
Nombre de pages : 334 pages
Genre : contemporaine
Edition : Albin Michel (collection Jeunesse litt')







Synopsis :
Grayson n’est pas confortable dans sa peau. Pas à l’aise avec les autres. Un solitaire. Parce qu’il sait, même s’il ne peut le dire : le miroir, s’il le souhaite assez fort, lui renvoie l’image de ce qu’il aimerait être. Une fille.

Mon avis :

A travers ce roman jeunesse, Ami Polonsky nous raconte l'histoire de Grayson, une jeune collégienne d'une douzaine d'années née dans le mauvais corps. En effet, elle a été assignée garçon à la naissance sur des critères anatomiques, qui se révèlent à l'opposé de son identité profonde. Par choix, et parce qu'en réalité, Grayson est belle est bien une fille, j'emploierai dans cette chronique le féminin pour parler d'elle (et dit comme ça, ça parait carrément évident).

J'ai trouvé l'histoire longue à démarrer. L'autrice met en place ce qui se passe dans la tête de Grayson, en particulier quand elle croise un miroir - à savoir s'imaginer dans des tenues super féminines - et des miroirs, elle en croise un paquet ! Nécessaire sans doute pour que l'idée fasse son chemin, mais on voit quand même vite où on va. La première partie aurait pu être abrégée un peu.

Tout se déclenche quand des auditions ont lieu pour la nouvelle pièce de théâtre du collège, et que Grayson postule le plus naturellement du monde pour le rôle de... Perséphone, personnage mythologique féminin. Les professeurs sont soumis à ce moment-là à une vague d'interrogations. Doivent-ils oui ou non lui attribuer le rôle, pour lequel elle a brillé lors des essais ? N'est-ce pas l'exposer aux brimades de ses camarades ? Les camps s'affrontent. Les adultes sont partagés entre volonté de la laisser prendre son envol et besoin de la protéger. Sa tante utilise cette dernière excuse pour se soustraire au jugement des gens : que va-t-on penser d'elle ? De sa façon de l'élever ? Parallèlement, les violences scolaires, tant physiques que verbales, émergent du fait de l'ignorance et de la cruauté des gosses. De leur rejet face à ce qui est différent, aussi.

J'ai trouvé cette palette de réactions assez bien dépeinte, complète et juste. Par contre, j'ai un gros gros reproche à faire à ce livre. Pourquoi faut-il absolument que Grayson, qui doit déjà faire face aux tourments psychologiques générés par la négation de son identité propre du fait de la pression sociétale, soit EN PLUS orphelin ET affublé d'un cousin débile et méchant qui n'a rien à envier au cousin Dudley ?!
N'est-ce pas là risquer de faire associer le transgendérisme à des expériences d'enfance traumatisantes ? Alors qu'on sait pertinemment que cela n'a rien à voir, que c'est là depuis la naissance et qu'on n'y connait à l'heure actuelle pas d'explication ? Pourtant, d'autres choix ont montré dans ce livre que l'autrice était bien consciente de ça, alors pourquoi accabler autant cette pauvre Grayson ?!

Ceci étant dit, Le secret de Grayson est un livre à faire lire aux jeunes (et moins jeunes), qu'ils se posent des questions ou non sur leur identité. Pour les premiers, c'est un bon moyen de montrer qu'ils ne sont pas seuls, et pour les derniers que les transgenres existent et n'ont pas moins caractère de "normalité" qu'eux.

J'espère maintenant trouver des personnages de romans non-cisgenres* sans que ce soit le cœur même de l'intrigue, puisque finalement c'est ainsi qu'on amènera le mieux les gens à les comprendre et les intégrer : en montrant qu'il n'y a pas de différence à faire !

J'en profite pour rajouter quelques mots puisque j'ai la chance d'avoir assisté à une intervention très intéressante** sur le sujet récemment. 
La curiosité est normale, elle est humaine. On se pose tous des questions sur les gens qui nous entourent. Mais il nous appartient de rester corrects et de garder pour nous nos interrogations sur les sujets personnels. 
Bien que les lesbiennes, gays et bi·e·s soient désormais un peu plus intégrés dans le paysage, ils et elles font face à des comportements déplacés à longueur de temps. Et aller voir un couple homo pour dire qu'on a rien contre, et attendre d'être félicité pour ça, c'est déjà pointer du doigt une différence.
Pour les transgenres, les violences sont encore plus importantes, puisqu'ils et elles doivent affronter une incompréhension fréquente. Alors, non, on ne demande pas à un trans s'il a été opéré, ce qui revient à lui demander ce qu'il a dans la culotte... Éventuellement, demandez quel pronom a leur préférence si vous avez un doute. Le reste appartient à chacun. Et comme ça a été très bien dit : "une personne trans n'est pas un document pédagogique" ! Finalement, ce n'est pas très compliqué : le genre, c'est ce qu'on vous dit qu'il est.
Si vous vous posez plein de questions, allez faire un tour sur le site de l'association Chrysalide, qui met des documents à disposition de tous.

Tolérance et bienveillance !

* cisgenre : dont le sexe assigné à la naissance sur la base de caractères anatomiques correspond à l'identité de genre qui se révèle.
** peu de chances que vous passiez par-là un jour, tous les deux, mais si c'était le cas, merci encore pour la clarté, la gentillesse, l'ouverture du dialogue, et... la bienveillance ! 

1 commentaire:

  1. Celui-ci je le mets tout de suite sur ma liste pour l'année prochaine ! Merci pour l'enthousiasme dont tu fais preuve quand un sujet te tient à cœur. Le monde gagne en bienveillance avec toi.

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