lundi 20 avril 2020

Nymphéas noirs de Michel Bussi

Seconde lecture commune avec ma femme et livre choisi pour le book-club local ayant pour thème... "Michel" ! Oui, je sais... L'occasion pour moi de découvrir un auteur dont tout le monde parle et qui dormait dans ma wish-list depuis longtemps, et surtout de renouer avec le roman policier !

Année d'édition : 2015
Nombre de pages : 512 pages
Genre : policier
Edition : Pocket







Synopsis :
Tout n'est qu'illusion, surtout quand un jeu de miroirs multiplie les indices et brouille les pistes. Pourtant les meurtres qui troublent la quiétude de Giverny, le village cher à Claude Monet, sont bien réels. Au cœur de l'intrigue, trois femmes : une fillette de onze ans douée pour la peinture, une institutrice redoutablement séduisante et une vieille femme aux yeux de hibou qui voit tout et sait tout. Et puis, bien sûr, une passion dévastatrice. Le tout sur fond de rumeur de toiles perdues ou volées, dont les fameux Nymphéas noirs. Perdues ou volées, telles les illusions quand passé et présent se confondent et que jeunesse et mort défient le temps.

Mon avis :
C'est toujours difficile à chroniquer, un roman policier. On veut parler de nos hypothèses, mais en même temps il ne faut pas trop en dire pour ne pas gâcher la surprise... pas évident, encore plus dans ce livre. Je vais donc essayer de vous parler de mon ressenti, en bonne funambule, sans me casser la figure dans le spoil qui a remplacé mon filet.

L'histoire se déroule dans un cadre intéressant : Giverny, village élu par Claude Monet et qui a inspiré bon nombre de ses tableaux, en particulier ses Nymphéas. Ne nous voilons pas la face, je suis totalement ignare dans ce domaine. J'ai commencé par râler intérieurement sur le fait que tout tournait beaucoup autour de ça. Et puis, petit à petit, je me suis laissée prendre au jeu, allant même jusqu'à faire des recherches pour voir à quoi ressemblaient les œuvres évoquées, et les lieux visités. Il faut dire que ce petit village s'y prête bien : charme et caractère, on comprend tout à fait les attraits que le peintre a pu y trouver. Un bon point pour ma culture.

Sur le déroulement de l'enquête, j'ai tout de suite été séduite. J'ai immédiatement joué à deviner si les grosses pistes qu'on nous mettait sous les yeux étaient les bonnes ou non. J'en ai discuté avec ma femme (je me sens très Columbo quand je dis ça...), j'ai râlé (encore) sur le fait que si c'était vraiment ça le dénouement, c'était vraiment très très appelé du pied ! L'investigation suit grosso modo trois pistes : celle des maîtresses d'un néo Dom Juan, celle d'un·e enfant mystère et la dernière... d'un trafic d'art, bien sûr. On va, on vient d'une hypothèse à l'autre, on échafaude, on spécule... Nos certitudes sont régulièrement ébranlées et c'est une bonne part de ce qui fait un bon polar.

L'autre part, c'est le dénouement. Et là, je dois dire que je l'ai pris en pleine face. J'étais tellement occupée à surveiller autre chose que je me suis laissée piéger sans problème. Les deux pieds dedans. Il faut dire que c'était bien goupillé, et même si la fin était peut-être un chouille longue, elle m'a bien permis de tout remettre en perspective et de faire la pleine lumière sur les événements.

Côté personnages et propos, je suis restée plus mitigée. 
Le duo d'enquêteurs fonctionne bien : Sérénac incarne le séducteur instinctif, Bénavidès le collectionneur de barbecues méthodique. Les deux se complètent malgré une incompréhension mutuelle, parfois.
Je ne me suis en revanche pas vraiment attachée aux enfants (Fanette, Paul, Vincent...), que je regardais évoluer d'un œil très extérieur. Peut-être, comme ça m'est arrivé dans d'autres romans, parce que leur maturité ne colle pas vraiment à ce que j'imagine d'enfants en école primaire, je ne sais pas...

Mais mon gros bémol, c'est les propos tenus par certains personnages, et le rôle donné à la jolie institutrice. Elle a l'air cultivée, intelligente, mais dès la première rencontre avec Sérénac (souvenez-vous, le séducteur qui marche à l'instinct), elle se transforme en pièce du boucher après 30 jours de jeûne sur Koh Lanta. Le type choisit ses mots juste pour "qu'elle rougisse encore". Les scènes entre les deux ne m'ont pas déplu, la tension sexuelle est intense est bien décrite, mais de là à faire de cette pauvre Stéphanie une pauvre nana qui n'en peut plus de ses hormones... ça tourne parfois au ridicule :


"Stéphanie s'accroche au peuplier, se frotte à lui, se contorsionne comme pour s'essuyer à l'écorce, comme pour épouser sa force."

Là, elle veut juste se nettoyer. J'ai trouvé ça... un poil too much. Mais bon, si même les astres s'y mettent, faut lâcher le morceau.

"Un soleil coquin dévore avec délice ses bras et ses cuisses nus."

Les autres femmes ne sont guère mieux loties, entre le cliché de la potiche ("si ça se trouve, elle se contente dans les vernissages d'offrir du champagne, des boudoirs, et son décolleté derrière une nappe blanche"), ou le cliché du bonhomme ("derrière le volant [de l'autocar], c'est une conductrice. Elle n'a même pas une allure de garçon manqué ou de chauffeur routier" ou encore "elle avait déjà cette sorte d'élégance assez rare chez les fliquettes").

Je ne parlerai pas des éléments que j'ai trouvé un peu grossophobes. Alors je sais très bien qu'il faut dissocier l'auteur des personnages. Ici un flic macho ou une mamie dans l'air du temps, mais du sien. Mais ça faisait un poil trop pour moi. 

Ceci étant dit, j'ai tout de même vraiment apprécié ce polar bien construit, surprenant, et original. J'ai d'ores et déjà repéré d'autres titres de l'auteur qui me tentent beaucoup, comme Maman a tort ou un recueil de nouvelles qui attise bien ma curiosité... nous verrons donc à la prochaine lecture si l'essai sera transformé (les seins seront transformés ?) !

Et comme d'habitude, l'avis de ma moitié par ici : Monet, Monet, Monet, must be funny !

vendredi 3 avril 2020

Idaho d'Emily Ruskovich

J'ai eu une super idée que j'aurais dû avoir depuis bien longtemps... proposer un cycle de lectures communes à ma femme ! J'ai choisi quelques titres dans sa liste, elle dans la mienne, un petit tirage au sort pour déterminer l'ordre, et voilà... nous aurons maintenant toujours en cours un titre commun ! Cette première expérience a été fort agréable et amusante ! Au programme, découverte de la maison Gallmeister avec Idaho.

Année d'édition : 2019
Nombre de pages : 384 pages
Genre : contemporaine
Edition : Gallmeister







Synopsis :
Idaho, 1995. Par une chaude et insouciante journée d'août, Wade, Jenny et leurs deux petites filles, June et May, se rendent dans une clairière de montagne pour ramasser du bois. S'y produit soudain un drame inimaginable, qui détruit la famille à tout jamais. Neuf années plus tard, Wade a refait sa vie avec Ann au milieu des paysages sauvages et âpres de l'Idaho. Mais tandis que la mémoire de son mari vacille, Ann devient obsédée par le passé de Wade. Déterminée à comprendre cette famille qu'elle n'a jamais connue, elle s'efforce de reconstituer ce qui est arrivé à la première épouse de Wade et à leurs filles.

Mon avis :
Cette lecture a été épique, mais pas pour les raisons qu'on pense.
Idaho, c'est avant tout l'histoire d'un homme, Wade, qui oublie la sienne. Touché par une démence familiale précoce, héritage malheureux des générations passées, il perd peu à peu ses souvenirs, et voit son comportement se modifier également, malgré lui.
Ces passages sur la mémoire défaillante ont particulièrement résonné en moi. J'ai reconnu les signes, les astuces pour les contourner, aussi bien du malade que de ses proches.

L'avantage, si on peut en trouver un, c'est que cette démence permet aussi d'oublier les zones les plus sombres de sa propre histoire. Pour Wade, la vie n'a pas été clémente : un drame incommensurable l'a privé de sa femme Jenny, et de ses deux filles, June et May. Lorsqu'il parvient à passer le cap et à refaire sa vie, rien n'est simple pour sa nouvelle compagne, Ann.

Difficile en effet de trouver sa place lorsque les absents sont si présents dans son esprit, et si lointains dans celui de son mari. Des zones de mystère subsistent, nous en découvrons des pièces petit à petit jusqu'à ce que le puzzle semble se mettre en place. La relation entre les deux femmes qui ne se connaissent pas est, paradoxalement, très forte. Jenny obsède Ann. Maintenir son souvenir et celui des deux enfants est un besoin viscéral pour cette dernière. Je suppose que cette idée fixe est exacerbée par l'isolement dans lequel ils vivent, puisque leurs seuls voisins directs sont des dizaines d'arbres à flanc de montagne, et que l'hiver ils ne peuvent même pas redescendre au village le plus proche en voiture.

Le roman est construit de telle façon qu'on voit le tableau couleur par couleur, par le petit bout de la lorgnette. Alternance des époques, des lieux... nous voyageons dans le temps de façon déconcertante. Cette construction (et indubitablement l'étiquette "thriller" qui estampille ce roman sur sa fiche Livraddict...) m'ont fait suivre de nombreuses fausses pistes. J'ai élaboré des hypothèses, fière de moi, certaine d'avoir mis à jour le mystère le mieux gardé de ces 400 pages. Le fait de lire en commun, d'échanger des avis, n'a fait que monter les enchères sur le twist final...

... bon. Il se trouve que tout le monde a été dupé par cette étiquette que j'avais scrupuleusement relayée. Cette histoire, c'est juste celle d'un homme qui a connu l'horreur, qu'il a oubliée, et de sa nouvelle femme qui ne l'a pas connue, mais veut s'en souvenir. Mais c'est bien réalisé !

Plusieurs questions sont soulevées, notamment sur la nécessité ou non de se souvenir de tout, ou la possibilité ou non de tout pardonner. Sur ce qui fait que quelqu'un de calme et bien sous tous rapports peut, un jour, se retrouver à commettre la pire des atrocités... et sur l'espoir dans l'absence d'un être aimé...

Je conseillerais probablement à des amateurs/amatrices de littérature contemporaine. Pas à un lectorat qui ne jure que par le thriller !

L'avis de ma co-lectrice par ici : Idaho chez Sound.