Lecture qui sort de l'ordinaire aujourd'hui. Notre prochain bookclub local ayant pour thème l'intolérance, plusieurs romans ont été proposés dont celui-ci, que je me suis empressée de lire, pleine de curiosité. En effet, les avis sont généralement assez tranchés, en témoigne le début des échanges entre les membres du club. On lit d'ailleurs souvent dans les chroniques "on adore ou on déteste". Voyons ça !
Année de parution : 2014
Nombre de pages : 224 pages
Genre : contemporaine, autofiction
Edition : Seuil
Edition : Seuil
Synopsis :
"Je suis parti en courant, tout à coup. Juste le temps d'entendre ma mère dire Qu'est-ce qui fait le débile là ? Je ne voulais pas rester à leur côté, je refusais de partager ce moment avec eux. J'étais déjà loin, je n'appartenais plus à leur monde désormais, la lettre le disait. Je suis allé dans les champs et j'ai marché une bonne partie de la nuit, la fraîcheur du Nord, les chemins de terre, l'odeur de colza, très forte à ce moment de l'année. Toute la nuit fut consacrée à l'élaboration de ma nouvelle vie loin d'ici."
En vérité, l'insurrection contre mes parents, contre la pauvreté, contre ma classe sociale, son racisme, sa violence, ses habitudes, n'a été que seconde. Car avant de m'insurger contre le monde de mon enfance, c'est le monde de mon enfance qui s'est insurgé contre moi. Très vite j'ai été pour ma famille et les autres une source de honte, et même de dégoût. Je n'ai pas eu d'autre choix que de prendre la fuite. Ce livre est une tentative pour comprendre.
En vérité, l'insurrection contre mes parents, contre la pauvreté, contre ma classe sociale, son racisme, sa violence, ses habitudes, n'a été que seconde. Car avant de m'insurger contre le monde de mon enfance, c'est le monde de mon enfance qui s'est insurgé contre moi. Très vite j'ai été pour ma famille et les autres une source de honte, et même de dégoût. Je n'ai pas eu d'autre choix que de prendre la fuite. Ce livre est une tentative pour comprendre.
Mon avis :
Effectivement, En finir avec Eddy Bellegueule n'est pas un livre qui laisse indifférent. Toutefois, je n'ai ni adoré, ni détesté...
Les thèmes abordés sont nombreux et tous plus rudes les uns que les autres.
Le sujet central, bien sûr, est l'homophobie vécue par l'auteur pendant son enfance et son adolescence. Enfant efféminé, "différent", Eddy subit bousculades, insultes, à l'école mais aussi dans le village et même à la maison... Difficile de rester indifférent face à ça. Révolte, dégoût (jusqu'à la nausée, ce qui m'arrive rarement à la lecture d'un livre) lors de certains épisodes d'agression dans les couloirs de l'école sont des sentiments qui m'ont traversée. Mais aussi agacement, d'un certain côté, de voir la résignation d'Eddy à retourner, sagement, tous les matins, affronter ses agresseurs plutôt que de rester à l'abri de la foule dans la cour de récré...
D'autres sujets reviennent comme un fil rouge dans ce livre : racisme, violence, alcoolisme, misère... A la lecture, on ressent profondément la carcan sociétal de ce village de Picardie dans lequel la destinée de tout un chacun est tracée avant sa naissance : les garçons iront à l'usine dès que possible, les filles feront de bonnes couveuses qui, si elles travaillent, ne gagneront surtout pas plus que leur mari. Ce serait contrevenir à la bonne vieille société patriarcale, et ça, c'est impardonnable.
J'ai été gênée dans tout cela par la généralisation des faits. On a l'impression que tout le monde boit comme un trou, tout le monde se lave une fois par mois, et tous les garçons jouent au foot. C'est très cliché. Les faits se passent quand même dans les années 90-2000, et même si je sais que certains villages enclavés sont peu favorisés, j'ai du mal avec le "tout le monde est comme ça". J'ai été confortée dans cette impression par la chronique de Pauliseuse, elle-même jeune picarde qui déplore cet aspect.
L'écriture de l'auteur ne m'a pas été particulièrement agréable non plus. Je n'ai rien contre la retranscription des propos tels quels mais les incises sans ponctuations, sans prévenir n'ajoutent rien au texte, et j'ai même trouvé ça lourd par moments. La rudesse des mots en revanche est parfaitement adaptée, et laisse transpirer le manque de finesse auquel le jeune garçon a été confronté.
Ecrire un roman sur ces sujets donne à mon avis une sorte d'immunité vis à vis des jugements. Bien sûr, il est bon d'en parler. Difficile donc de critiquer. Mais personnellement, il m'a mise mal à l'aise. Non par rapport aux thèmes mais à cause du jugement fort de l'auteur vis à vis de sa famille, et en particulier de ses parents. Certes, ils ont été (dans le roman, puisque c'est la seule chose dont je puisse juger) parfaitement imbuvables, odieux, détestables avec leur fiston qui malgré tous leurs efforts ne voulait pas rentrer dans le moule... Mais j'ai eu le sentiment d'assister à un règlement de comptes, et ça m'est très désagréable...
Edouard Louis avait beaucoup de choses à évacuer à travers ce roman incontestablement cathartique, à juste titre j'en conviens. Mais je n'ai pas été convaincue. Ni adoré, ni détesté, donc, mais j'ai connu des lectures plus agréables !
Les thèmes abordés sont nombreux et tous plus rudes les uns que les autres.
Le sujet central, bien sûr, est l'homophobie vécue par l'auteur pendant son enfance et son adolescence. Enfant efféminé, "différent", Eddy subit bousculades, insultes, à l'école mais aussi dans le village et même à la maison... Difficile de rester indifférent face à ça. Révolte, dégoût (jusqu'à la nausée, ce qui m'arrive rarement à la lecture d'un livre) lors de certains épisodes d'agression dans les couloirs de l'école sont des sentiments qui m'ont traversée. Mais aussi agacement, d'un certain côté, de voir la résignation d'Eddy à retourner, sagement, tous les matins, affronter ses agresseurs plutôt que de rester à l'abri de la foule dans la cour de récré...
D'autres sujets reviennent comme un fil rouge dans ce livre : racisme, violence, alcoolisme, misère... A la lecture, on ressent profondément la carcan sociétal de ce village de Picardie dans lequel la destinée de tout un chacun est tracée avant sa naissance : les garçons iront à l'usine dès que possible, les filles feront de bonnes couveuses qui, si elles travaillent, ne gagneront surtout pas plus que leur mari. Ce serait contrevenir à la bonne vieille société patriarcale, et ça, c'est impardonnable.
J'ai été gênée dans tout cela par la généralisation des faits. On a l'impression que tout le monde boit comme un trou, tout le monde se lave une fois par mois, et tous les garçons jouent au foot. C'est très cliché. Les faits se passent quand même dans les années 90-2000, et même si je sais que certains villages enclavés sont peu favorisés, j'ai du mal avec le "tout le monde est comme ça". J'ai été confortée dans cette impression par la chronique de Pauliseuse, elle-même jeune picarde qui déplore cet aspect.
L'écriture de l'auteur ne m'a pas été particulièrement agréable non plus. Je n'ai rien contre la retranscription des propos tels quels mais les incises sans ponctuations, sans prévenir n'ajoutent rien au texte, et j'ai même trouvé ça lourd par moments. La rudesse des mots en revanche est parfaitement adaptée, et laisse transpirer le manque de finesse auquel le jeune garçon a été confronté.
Ecrire un roman sur ces sujets donne à mon avis une sorte d'immunité vis à vis des jugements. Bien sûr, il est bon d'en parler. Difficile donc de critiquer. Mais personnellement, il m'a mise mal à l'aise. Non par rapport aux thèmes mais à cause du jugement fort de l'auteur vis à vis de sa famille, et en particulier de ses parents. Certes, ils ont été (dans le roman, puisque c'est la seule chose dont je puisse juger) parfaitement imbuvables, odieux, détestables avec leur fiston qui malgré tous leurs efforts ne voulait pas rentrer dans le moule... Mais j'ai eu le sentiment d'assister à un règlement de comptes, et ça m'est très désagréable...
Edouard Louis avait beaucoup de choses à évacuer à travers ce roman incontestablement cathartique, à juste titre j'en conviens. Mais je n'ai pas été convaincue. Ni adoré, ni détesté, donc, mais j'ai connu des lectures plus agréables !