jeudi 14 juin 2018

La lune est à nous de Cindy Van Wilder

Ceux qui me suivent un peu savent qu'il m'aura fallu du temps pour chroniquer cette lecture, et ne pas me laisser submerger par l'émotion ressentie au cours de la lecture. Car le moins qu'on puisse dire, c'est que La lune est à nous (LLEAN pour les intimes) a résonné de façon étourdissante en moi, et résonne encore...

Année d'édition : 2017
Nombre de pages : 377 pages
Genre : young adult, contemporain
Edition : Scrineo







Synopsis :
Max et Olivia n’ont pas grand-chose en commun. Max, solitaire et complexé, peine à s’intégrer dans son nouveau lycée. Olivia, sociable et hyperactive, vient d’être recrutée par la très populaire chaîne YouTube « Les Trois Grâces » et s’investit dans le milieu associatif. Ils n’ont rien en commun, si ce n’est qu’ils sont en surpoids, et que le monde le leur fait bien payer. Lorsqu’ils se rencontrent, ils se comprennent instantanément. Et décident de réagir – chacun à sa manière. L’habit ne fait pas le moine, dit-on… Ni Max ni Olivia ne s’attend aux défis qu’ils vont rencontrer. Et si l’aiguille de la balance n’était pas le seul challenge ? Et s’il était possible de décrocher la lune, même après être tombé à terre… ?

Mon avis :
Max et Olivia, c'est un peu le jour et la nuit. Si la deuxième est plutôt extravertie, dynamique, le premier est quant à lui plutôt effacé et introverti. Pourtant, ils ont un point commun indéniable : ils sont gros. Et donc, à l'âge ingrat tout particulièrement, des cibles parfaites de moqueries.

L'intolérance et le harcèlement, voilà les thèmes principaux de ce roman. C'est ce qui a fait remonter des souvenirs personnels enfouis tant bien que mal, et en a fait une lecture si forte. Et combien sommes-nous dans ce cas ? Je me souviens du "grosse vache" gratuit, en passant devant un collégien plus âgé, que je n'avais même pas regardé. Je me souviens des paris débiles sur notre dos, la bande de timides "enrobées", au lycée. Et je regrette. Je regrette de n'avoir pas eu une telle lecture plus tôt, qui m'aurait donné l'élan pour me dresser face à cela.

Point particulier ici, il est autant question de harcèlement au quotidien que de cyber-harcèlement. Les réseaux sociaux dont raffolent tellement les jeunes ont la part belle, et c'est un beau moyen de leur/nous rappeler que les choses y sont parfois très artificielles et temporaires, même si on y fait de belles rencontres. L'application évoquée, Find your match, m'a donné des frissons tant elle est injuste et stéréotypée. Le principe ? L'appli analyse une photo pour noter ton physique. Rien que ça ! Et le pire, c'est que ça pourrait bien exister... si ce n'est pas déjà le cas.

Si la grossophobie est le point de départ de l'histoire, une foultitude d'autres thèmes sont abordés, non moins importants. Le racisme, notamment, puisqu'Olivia est noire et encaisse en plus du reste les insultes xénophobes des décérébrés qu'elle croise. Elle fait face également à la triste réalité de Find your match, très "caucasio-normée" et pas du tout conçue pour lui donner une bonne note, aussi belle soit elle.

La sexualité est aussi un fil rouge du roman. Une bonne occasion de rappeler qu'une orientation sexuelle n'est pas quelque chose de nécessairement figé et facile à définir, mais plutôt un spectre qui peut en recouper d'autres. Le plus simple ? Arrêtons de mettre des étiquettes sur les gens, laissons-les se définir comme ils/elles l'entendent. Après tout, qui est mieux placé que soi-même pour ça ? C'est très touchant, dans LLEAN, de suivre le cheminement de Max, qui peine à trouver la voie du coming-out, et va connaître une belle évolution au fil des pages (mention spéciale à Elliot, le petit-frère, choupi à souhait).
Mais d'autres représentant·e·s LGBTQIA+ y trouveront leur compte, puisqu'il est aussi question d'asexualité, très peu évoquée dans les romans jeunesse/YA (ni dans les autres, malheureusement). 

Mais en règle générale, c'est surtout un roman sur l'adolescence, période critique s'il en est, et sur la construction de sa personnalité. Cindy Van Wilder nous montre qu'avoir son identité propre revêt alors une importance capitale, ce qui n'est pas évident quand nos repères s'effondrent (comme pour Max dont les parents viennent de divorcer) ou qu'on est adopté·e comme Olivia. C'est la découverte de soi, que ce soit à travers ce(ux) qu'on aime ou l'apprivoisement de son corps qui change. Ravie de voir ici évoquée la masturbation, car oui, c'est un thème important quand on écrit à destination des ados/YA, et que bon nombre le passe sous silence. Parce que ce serait honteux ? Eh bah non.

Le final, que je ne révélerai pas en détails, est comme un feu d'artifices, coloré, joyeux, et profondément émouvant. Si souvent je pleure pour des choses tristes à la lecture d'un livre, là j'ai pleuré juste pour ça : parce que c'était beau. Et j'ai eu envie d'aller les retrouver tous, au dépôt, de m'asseoir parmi eux et de me laisser porter par leur joie de vivre.

Stylistiquement parlant, c'est du Cindy Van Wilder, ça se dévore. Mais savourez quand même, parce qu'arrivé·e·s à la fin on en redemande. Pas de langue de bois, on appelle un chat un chat : merci ! Particularité de cet opus en particulier, l'écriture inclusive, qui montre que c'est faisable, et franchement quand on a un peu l'habitude, c'est presque naturel. Tout comme les touches de féminisme saupoudrées de ci de là. 

En conclusion ? La Lune est à nous, c'est à la fois une arme et une armure pour affronter les bassesses et l'intolérance qui règnent en ce monde. C'est un doudou, une thérapie, un tremplin pour apprendre à voir les choses autrement. Et à s'accepter. Un must-read qu'on devrait faire découvrir très tôt dans les milieux scolaires, et qui rendrait plus belle la vie de milliers d'adultes en devenir (et d'adultes tout court, d'ailleurs) ! 
Merci à l'autrice pour ce moment de douceur, qui est finalement à l'image de la personne qu'elle est IRL... bienveillance.


Bonus fangirl : quand il est pile poil 14h27 dans le livre, et que c'est, parmi toutes les heures qui pouvaient être choisies, pile poil celle de ta naissance ! ^^ Parenthèse mégalo refermée.

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