vendredi 4 mai 2018

Ce cahier est pour toi de Valérie Dayre

Nouvelle lecture sur le thème de la maladie d'Alzheimer, un peu différente des autres celle-ci puisqu'il s'agit d'une fiction, qui prend la forme d'un journal intime écrit par une grand-mère à destination de son petit-fils. 

Année de parution : 2008
Nombre de pages : 113 pages
Genre : contemporaine
Edition : La Joie de Lire







Synopsis :
Granninouchka écrit à Gaspard, son petit-fils, pour lui raconter ce qui vient de lui arriver. Une aventure étrange, désagréable, mais qu'elle essaie de prendre avec humour. Aventure qui devient plus étrange encore quand elle découvre au fond du parc de la maison de soins où elle se trouve (enfermée ?) un petit pavillon que squatte... un enfant ? Une famille ? Un... des fantômes ? Elle ne sait pas, elle ne sait plus. C'est peut-être ça le problème : elle perd la tête ?

Mon avis :

Le journal intime de la narratrice s'ouvre sur un événement déclencheur marquant : un voyage impromptu à Dunkerque, ville située à 200 km de chez elle et où elle n'avait jamais mis les pieds ! Elle s'y retrouve pourtant dans un but très précis, acheter un chapeau dans une boutique qui, d'après les locaux, n'existe pas. C'est quand même fou, ça, elle connait pourtant le nom de la vendeuse ! Ses proches se voient dans l'obligation de venir la récupérer au commissariat qui l'a prise en charge, alerté par les témoignages des passants.

C'est ainsi que la Granninouchka atterrit dans une sorte de maison de retraite, où elle commence à écrire à son Gaspard, tant pour figer son quotidien que pour échanger avec lui. Ce support est intéressant, puisqu'il permet de dérouler les idées comme elles viennent, avec parfois des ratures, des incohérences, un passage du coq à l'âne.

Le fait qu'on fasse parler la malade elle-même et qu'elle soit déjà placée en établissement donne un point de vue différent des autres lectures que j'ai pu faire, essentiellement des témoignages de proches (les malades étant rarement en mesure de se lancer dans de longs écrits sans aide). Au fil des pages, on voit la mémoire qui s'efface. La narratrice oublie les visites qu'on lui fait, donc ressent une solitude terrible. Ce qu'on lui dit ne correspond plus à ce qu'elle est persuadée d'avoir vécu... Des interrogations terribles se forment dans son esprit :

"La seule question est : est-ce que je perds la tête ? La seule réponse plausible est très désagréable, vertigineuse pour dire la vérité."

Avec le temps, naissent aussi les idées fixes. Cette cabane, découverte au cours d'une promenade dans le jardin, l'obnubile littéralement ; le jeune garçon qui semble l'habiter accapare ses pensées. Dès lors, elle ne pense qu'à s'éclipser pour aller discuter avec lui. On comprend vite que ce garçon prend la place de Gaspard, qu'elle adore, qu'elle a élevé, mais ne voit plus tant qu'elle voudrait. On sent d'ailleurs beaucoup d'agacement naître à son égard sans raison apparente... ici encore manifestation des angoisses et du changement de caractère inhérents à la maladie.

L'attitude du personnel de l'établissement est globalement bienveillante, même si on note que certain·e·s sont moins bien formé·e·s que d'autres à cette affection particulière. C'est particulièrement visible dans certaines remarques très dures :

"C'est pourtant pas compliqué !"
"Il va falloir faire un effort !"

Alors que si, retrouver sa serviette au milieu de dizaines d'autres, ou sa place dans un grand réfectoire, pour un·e malade d'Alzheimer (ou maladie apparentée), c'est compliqué. Alors que tout, du fait de faire bonne figure en toute situation jusqu'à l'utilisation de sa fourchette, est compliqué.
C'est un problème qui se retrouve malheureusement dans certains EHPAD ou autres établissements d'accueil où, le travail étant épuisant tant moralement que physiquement, le turn-over peut être important, et les formations parfois à la traîne. 

En somme, une lecture différente sur le sujet qui, si elle ne m'a pas autant touchée que certains témoignages de proches, apporte une vision de l'intérieur qui met bien en lumière la souffrance et la solitude générées par cette triste maladie...


Si vous avez un·e proche malade d'Alzheimer ou maladie apparentée, l'association France Alzheimer possède des antennes dans tous les départements. Elles proposent des "formations aidants"  gratuites animées par un duo bénévole/psychologue et sont hyper bénéfiques pour la compréhension de la maladie, et pour apprendre à gérer au mieux le quotidien. Si ce n'est pas fait, courez-y !

2 commentaires:

  1. Le début de ton avis fait presque penser à un thriller qui utiliserait la mémoire de sa narratrice comme technique pour enfumer le lecteur ^^ mais je vois que c est assez sérieux finalement et plutôt fidèle à ce qu est la maladie.

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    1. Ahah non pas du tout ! C'est plutôt le cerveau de la grand-mère qui arnaque sa détentrice...

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