Des années que je parlais de ce livre, que j'avais offert sans avoir l'occasion de le lire. La magie de Noël et son gros bonhomme rouge (d'ailleurs je l'ai pris sur le fait et il ne ressemble pas du tout à ce qu'on pense) lui a permis de se retrouver dans mes petits souliers, pour mon plus grand plaisir. L'opéra de Shaya, cette fois tu ne m'échapperas pas !
Nombre de pages : 192 pages
Genre : science-fiction, nouvelles
Edition : ActuSF
Synopsis :
So-Ann, née dans un vaisseau spatial, a du mal à s’habituer aux coutumes étranges et contraignantes des mondes où se sont établis les humains. Alors quand elle entend parler de Shaya, cette planète où la faune et la flore sont en totale empathie avec ses visiteurs, elle n’hésite pas une seule seconde. Mais en vérité, qui s’adapte à qui ? Quels mystères se cachent dans ce monde qui semble idéal ?
Mon avis :
Ce livre est en fait un recueil constitué d'une grande novella d'une centaine de pages et de 3 courtes nouvelles. Juste ce qu'il faut pour que je puisse vous dire quelques mots au sujet de chacun d'entre elles !
L'Opéra de Shaya :
So-Ann, jeune femme en quête de quelque chose de plus, quelque chose qui donnera un sens à son existence, est fraîchement arrivée sur Flog6. Énième déception, énième planète en carton, où les apparences sont règnent en maîtresses. Ici, les codes sociaux, c'est robes à froufrous et perruques ridicules. Génial, encore un mauvais moment à passer.
Quand elle entend parler d'un programme d'échanges génétiques sur Shaya, elle voit enfin une lueur d'espoir poindre à l'horizon. Elle fait alors la connaissance d'une planète et d'un peuple différents, sur laquelle l'évolution est rapide et visible, sur laquelle la population est avide de partager le génome de ses visiteurs pour en tirer le meilleur, pour devenir meilleur... Certes les coutumes sont parfois déstabilisantes, mais ce mode de fonctionnement a une résonance particulière pour So-Ann.
A travers cette novella, Sylvie Lainé livre une critique acide et satyrique de nos sociétés actuelles, obnubilées par le paraître, et dans lesquelles l'être n'a plus vraiment d'importance... Elle nous parle du sens du sacrifice, et de l'engagement hors du commun d'un individu pour son peuple...
Grenade au bord du ciel :
Cette nouvelle-ci est très courte, mais très dense ; on y parle d'éthique scientifique. Une gigantesque découverte est faite, et elle peut changer définitivement et profondément la vie des habitants de notre planète. Dès lors, faut-il ou non la mettre à disposition ? Sur quels éléments baser une telle décision, et comment en évaluer les potentielles conséquences ? Voilà des questions qui se posent auxquelles il n'est pas simple de répondre !
Petits arrangements intra-galactiques :
Décalée. Voilà le premier mot qui me vient pour décrire ce texte ! Ou comment faire contre mauvaise fortune bon cœur. Un voyageur de l'espace est contraint, faute de carburant, de s'arrêter sur une planète méconnue. Il y découvre une flore et faune assez... caractéristiques, inattendues, hilarantes. On est loin du fantasme Roswell et humanoïdes à tentacules, végétation hostile à picots empoisonnés. Non, ici, ce sont sapinous bleus sauteurs et grosses vaches roses montées sur ressort. Incongru, difficile de ne pas sourire lors de la lecture, mais on trouve quand même derrière tout ça un homme qui essaie de survivre, concentré sur le nerf de la guerre : comment se nourrir et s'abreuver. La solution est... peu ragoûtante ! Bonne lecture, et bon appétit.
Un amour de sable :
J'ai adoré cette nouvelle. Ou comment l'Homme peut passer à côté de choses passionnantes, étonnantes, nouvelles parce qu'il ne voit pas. Parce que si ce n'est pas comme lui ça ne peut pas être. On rate sûrement des tas de choses, avec nos esprits étriqués... Le lecteur se voit ici amené à voir les choses différemment, à s'ouvrir et à conceptualiser des idées qui ne nous ont pas effleurées jusqu'à lors. Joliment fait.
L'écriture de l'autrice est sans fioritures, elle va droit au but, sans s'encombrer de tournures tarabiscotées. C'est fluide, c'est pur, c'est poétique. J'ai voyagé, avec ces nouvelles, dans des univers colorés, vivants et d'une richesse impressionnante... Et quand je regarde le ciel grisâtre de mon hiver citadin, j'ai presque envie de m'enfuir sous le ciel violet de Shaya.
Double bonus de ce recueil : la préface signée Jean-Marc Ligny - et dans laquelle transparaît toute son admiration et son amitié pour Sylvie Lainé - et l'entretien avec l'autrice, mené par ce dernier. Et à la lire, j'ai compris. J'ai compris pourquoi elle me touche autant, pourquoi j'ai tant de plaisir à l'écouter parler de sujets aussi divers que variés. Ce "handicap" de ne pas avoir les codes sociaux, les modes d'emploi pour réagir à différentes situations en société, mais aussi cette capacité à lire le non-dit dans l'attitude des gens. Et je me suis revue, en décembre dernier, alors que je la rencontrais dans le cadre d'un échange littéraire en librairie, paralysée à l'idée de demander une petite griffe dans son dernier recueil sur lequel j'avais jeté mon dévolu. Et c'était elle qui était venue me le proposer, le plus naturellement du monde, avec un sourire et une gentillesse qui ont fait tomber mes appréhensions. Merci, Mme Lainé.
Je n'ai lu que la première partie de ton billet pour l'instant, je ne veux pas en savoir trop à l'avance sur les autres nouvelles.
RépondreSupprimerCe qui me fait dire que l'opéra de Shaya est un texte d'une grande qualité, c'est que l'histoire n'est pas livrée en bloc avec son interprétation. Libre à nous d'en tirer une leçon et le sens que tu donnes, satyre du paraître, sens du sacrifice, je n'y aurais pas songé spontanément. Pourtant, oui, c'est là.
Je suppose que chacun lit le message qui colle à son propre vécu, ressenti.
Superbe découverte en tout cas :)
Hâte de lire la suite !!
Normalement j'ai essayé de ne pas trop spoiler, mais tu as raison, on n'est jamais trop prudent·e.
SupprimerC'est exactement ça, pour L'opéra de Shaya mais aussi pour les autres nouvelles de ce recueil (et peut-être des autres aussi, j'en jugerai après Fidèle à ton pas balancé) : chacun y voit quelque chose de spécial, une interprétation à la lumière de tout ce qui fait sa personnalité.
Quelle est ton interprétation, à toi, de cette première nouvelle ? Et des autres, aussi si tu les as lues entre temps ?
Ce n'est pas une question de spoiler,j'ai toute confiance en toi. Mais comme j'évite de lire même les résumés...
RépondreSupprimerJe préfère ne rien savoir du tout, surtout que là je n'ai pas le temps d'oublier !
Tu veux un scoop, c'est ça ? Mon avis en avant première ? J'ai pensé que ça évoquait la difficulté, même en se présentant comme quelqu'un qui cherche un monde différent, de vraiment appréhender l'altérité. D'écouter sans être influencé par notre propre mode de pensée.
Purement et simplement impossible, je pense, à vrai dire. Notre compréhension des choses est profondément impactée par notre mode de pensée. D'où certaines incompréhensions, déjà visibles entre plusieurs cultures d'une même planète, alors entre plusieurs planètes...
SupprimerMême avec la meilleure volonté du monde, même avec des velléités d'objectivité absolue, notre inconscient reste marqué !